C’est officiel : depuis le 1er janvier 2016, le nombre de communes est passé sous le seuil des 36 000 en France, comme le confirme la version provisoire d’un rapport sénatorial sur les communes nouvelles.
Serait-ce le symbole d’une « révolution silencieuse » en cours, comme le pense Françoise Gatel, vice-présidente de l’Association des maires de France (AMF) ? En tout cas, le seuil symbolique des 36 000 a été franchi : depuis le 1er janvier, la France ne compte plus que 35 585 communes, grâce à la formation de 317 communes nouvelles.
Ces chiffres sont tirés du dernier décompte de la direction générale des collectivités locales (DGCL) et présentés dans la version provisoire d’un rapport sénatorial sur les communes nouvelles, qui sera publié dans son intégralité à l’occasion du congrès des maires de France, début juin. Avec son collègue de la délégation du Sénat aux collectivités territoriales, Christian Manable, Françoise Gatel y dresse un état des lieux des fusions réalisées.
On constate que les fusions de communes, qui ont bondi avec le vote de la loi Pélissard – et de la « carotte financière » permettant aux communes ayant fusionné avant le 30 juin 2016 de bénéficier d’un gel de la baisse des dotations – ne se sont pas faites de façon uniforme sur tout le territoire.
Si quelques départements font figure de pionniers, notamment en Normandie et en Pays-de-Loire – 36 fusions dans la seule Manche –, le tiers d’entre eux ne comptent aucune commune nouvelle au 1er janvier. C’est particulièrement le cas sur le littoral méditerranéen et en Île-de-France. Une hétérogénéité qui s’explique par un certain nombre de facteurs, selon les sénateurs, au premier lieu desquels l’implication des élus locaux mais aussi de représentants de l’État « facilitateurs », comme en Maine-et-Loire, dont la préfète a grandement favorisé les projets de fusions.
Résultat : une réduction prodigieuse de 30 % du nombre de communes sur le département – elles ne sont plus que 250 au lieu de 357 !
Le poids de la « loi Notre »
Quant à l’incitation financière, « ce n’est pas du tout le moteur principal des projets de communes nouvelles, contrairement à ce que l’on pouvait penser », affirme Françoise Gatel. Si elle a bien sûr pesé dans la balance, les élus rencontrés par les sénateurs évoquent surtout un besoin d’efficacité et de mutualisation, notamment dans les petites communes rurales.
Plus d’une a également été poussée à agir par la « loi Notre » et la réforme de la carte intercommunale, notamment les membres de petites intercommunalités « de service » qui assuraient des compétences comme la petite enfance, cruciale en milieu rural, et qui devront l’abandonner en fusionnant avec d’autres EPCI. « La commune nouvelle va permettre de maintenir, à l’échelle de l’ancienne interco, ces compétences de services », explique Françoise Gatel.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le plus grand nombre de fusions a eu lieu dans la Manche, qui devrait voir une réduction drastique du nombre de ses communautés (de 27 à 6 EPCI, selon le schéma départemental adopté par le préfet en mars).
Selon les sénateurs, la quasi simultanéité de l’application de la « loi Notre » et de la loi Pélissard a cependant provoqué un télescopage qui a bloqué nombre de projets, les préfets préférant se concentrer sur le redécoupage intercommunal avant d’envisager des fusions de communes.
« Alors qu’il aurait été plus intéressant de laisser les élus mener leurs projets de communes nouvelles, et de partir de là pour construire de grandes intercos issues d’un vrai projet de territoire », déplore Françoise Gatel, qui savoure tout de même le « pied de nez » adressé par les élus locaux avec la commune nouvelle.
Problèmes pas anticipés
Car ce ne sont ni le sénatus-consulte de Napoléon en 1802, ni la loi Marcellin de 1971 qui auront réussi à abattre le mur des « 36 000 paroisses, cet héritage multiséculaire », comme le souligne Christian Manable, mais une loi venue des maires et portée à bout de bras par l’AMF, qui s’est entièrement mobilisée pour la commune nouvelle après s’y être opposée un premier temps.
Avec ce chiffre fort, l’association d’élus peut se prévaloir d’avoir réussi à réaffirmer le rôle de la commune tout en prouvant qu’elle n’était pas arc-boutée sur une position conservatrice. « La commune nouvelle est une voie d’avenir dans un pays qui a besoin d’une action publique plus efficace, mais qui soit lisible et rendue au plus près des habitants », affirme Françoise Gatel, qui constate que les projets font « tache d’huile ».
À condition toutefois que ces derniers survivent à la fin de l’incitation financière, qui expire le 30 juin prochain.
Pour répondre aux interrogations des élus qui souhaitent toujours se lancer, le rapport offre un vade-mecum détaillant les points qui peuvent entraver la formation d’une commune nouvelle. « On découvre des questions qu’on n’avait pas anticipées, comme celle des cartes grises : les habitants changeant d’adresse, puisque changeant de nom de commune et parfois de code postal, doivent changer également leurs cartes grises », rapporte Françoise Gatel. En lien avec l’AMF, les préfets et la DGCL, une solution a finalement été trouvée : les habitants n’auront plus besoin d’effectuer le changement.