Vous ne comprenez plus vos amis. Port du masque, respect des gestes barrières contre le coronavirus, sortir et voir du monde ou rester chez soi... Vous n’êtes jamais d’accord. Avec votre famille, c’est encore pire. Les leçons de morale fusent dans tous les sens.
Avec le déconfinement, certaines relations amicales, amoureuses ou familiales peuvent être mises à mal. Certaines divergences d’opinions et points de vue sur la manière de vivre cette liberté retrouvée mettent parfois en lumière des différences de valeurs et des incompatibilités de personnalités.
Céline, elle, voulait simplement être rassurée par ses amis. Le soir du déconfinement, le 11 mai, elle organisait une soirée chez elle. Au total, une dizaine de personnes, son conjoint et elle compris, se retrouvaient enfin après deux mois de séparation. Mais la veille, la jeune femme de 33 ans habitant en banlieue parisienne commence à se poser des questions. Est-ce une bonne idée de se retrouver? Et surtout, comment? Dans quelle mesure respecter les gestes barrières?
Extériorisation de la frustration
“La veille, je leur ai envoyé un message pour leur demander si c’était bien raisonnable, et pour savoir comment on s’organisait. En fait, j’avais besoin d’être rassurée, de voir qu’on était sur la même longueur d’ondes, d’être sûre qu’on allait faire un minimum attention. Sauf qu’eux n’étaient pas inquiets et ne voulaient pas changer quoi que ce soit à notre façon d’interagir”, raconte-t-elle auprès du HuffPost.
Résultat, au lieu d’être apaisante, la discussion s’envenime. Interdiction de manger des chips dans le même saladier, prise de température sur le pas de la porte? Par écrit, le ton va crescendo. Céline finit par appeler l’ami avec lequel cela devenait le plus tendu histoire d’apaiser les choses. Le lendemain, la soirée est maintenue.
Pour la psychologue Catherine Verdier, contactée par Le HuffPost, rien d’anormal à ces disputes entre amis, au sein du couple ou de la famille. “Nous avons vécu confinés, avec beaucoup de frustrations, d’inquiétudes, d’angoisses, et nous sommes maintenant en train de changer de rythme. Toute cette frustration a besoin d’être extériorisée”, explique-t-elle.
Deuxième élément d’explication selon elle, l’incertitude. “Les avis d’experts sont tellement contradictoires que personne ne sait ce qui l’attend, ce qu’il faut faire. Remettre l’enfant à l’école? Porter un masque en toutes circonstances? Respecter tout le temps les gestes barrière? On nous dit d’être responsables, mais en l’absence de consensus général, ce sont les niveaux d’angoisse et de résilience de chacun qui émergent”, poursuit-elle.
Angoisse et insécurité
Le confinement a agi comme une sorte de bulle protectrice qui éclate aujourd’hui et libère toutes les angoisses accumulées pendant deux mois. “Tout ce qu’on voit émerger chez l’autre, c’est l’angoisse ou l’insécurité”, affirme Catherine Verdier.
Cette angoisse, Mélina, 46 ans, a pu en constater différents niveaux au sein de sa famille. Entre son compagnon, très stressé, et elle, plutôt zen, contrairement à son habitude, cela a même créé quelques tensions. “On n’a pas le même niveau de vigilance. Lui prend beaucoup de précautions, laisse tous ses vêtements de côté quand il rentre du travail. Alors que moi j’essaye de minimiser, de dédramatiser pour que ce soit moins anxiogène. Je tente de tempérer, de ne pas trop en faire. Je dis qu’on n’est pas en sucre”, raconte-t-elle au HuffPost.
Très vite, dès le confinement, elle s’est aperçue du désaccord. Leur stratégie? Passer à autre chose. “C’est un sujet de tensions, mais pas de disputes. On ne se voit pas différemment à cause de ça”, tempère-t-elle.
Tout le monde ne parvient pas à prendre autant de recul sur la situation. Dans cet article de L’Obs sur des amitiés amochées par l’épreuve de l’épidémie, certaines personnes témoignent d’avoir “un peu coupé les ponts” ou de voir l’image de leurs amis “abîmée”. Quand d’autres vont jusqu’à se questionner sur le sens même de l’amitié.
Ce n’est pas allé jusque-là pour Céline. Le 11 mai, sa soirée s’est très bien passée. “On ne s’est pas fait la bise, on s’est fait un check du coude ou on s’est espacé un peu plus que d’habitude autour de la table”. Même si cela l’a “un peu énervée” de passer pour “la fille ultra stressée alors qu’on vit un moment compliqué”, l’échange tendu de la veille n’aura finalement fait que “révéler des choses que j’avais déjà en tête sur mes amis”, souligne-t-elle.
Superficielles ou profondes, ces tensions devraient peu à peu se réguler. “Si c’est l’angoisse qui parle, il ne faut pas se fâcher pour ça, écouter les arguments de l’autre, essayer de discuter”, avance Catherine Verdier. Avec le temps, tout devrait s’arranger.
Source: www.huffingtonpost.fr
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