La réforme des retraites va renforcer l’importance du relevé de carrière, un document accessible à tous les actifs qui permet de connaître ses droits futurs. Mais attention, il n’est pas toujours fiable.
Alors que le projet de réforme des retraites échauffe les esprits depuis plusieurs mois, une réalité bien concrète concerne d'ores et déjà chaque Français.
Combien touchera-t-il à la retraite? Doit-il épargner pour maintenir son niveau de vie? Pour répondre à ces questions, encore faut-il avoir les idées claires sur sa situation.
Instauré par la loi du 21 août 2003, le droit à l'information assure à toute personne la possibilité d'obtenir le détail des droits qu'elle s'est constituée dans les différents régimes de retraite obligatoires.
Il prend la forme d'un document –on parle de Relevé individuel de situation (RIS)– adressé tous les cinq ans à partir de 35 ans.
"On peut aussi le consulter à tout moment sur Internet", précise Philippe Bainville, de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav). Il suffit de se rendre sur le site de son régime ou sur info-retraite.fr et de se créer un compte.
Mise à jour annuelle
Le RIS comporte plusieurs pages. La première est un récapitulatif des droits accumulés pour la retraite de base et la complémentaire (infographie page suivante). Ensuite, chaque régime auquel la personne a été affiliée au cours de sa vie est détaillé.
Par exemple, pour les salariés du privé, sont précisés, année par année, le ou les employeurs ainsi que les revenus soumis à cotisation et le nombre de trimestre validés. Pour la complémentaire, ce sont les points Agirc Arrco qui sont renseignés.
Chaque année, au printemps, le relevé est enrichi des données de l’année écoulée. Et à partir de 55 ans, le RIS se transforme en Estimation indicative globale (EIG), incluant une évaluation de la future retraite selon plusieurs scénarios d’âge de départ.
"Le problème de ce relevé, c’est qu’il n’est pas toujours juste, commente Valérie Batigne, présidente de la plateforme de conseils Sapiendo Retraite. Or, la retraite constitue une rente viagère que l’on percevra en moyenne pendant vingt-trois ans. La moindre erreur peut donc se traduire par un manque à gagner conséquent."
Erreurs courantes
C’est pourquoi il ne faut pas lui faire confiance a priori. "Il est indispensable de confronter les informations figurant sur le RIS avec la réalité de sa carrière, recommande Dominique Prévert, dirigeant du cabinet Optimaretraite. Pour cela, il faut rassembler toutes ses données professionnelles et tout repointer."
La tâche pouvant être fastidieuse, mieux vaut s’y prendre dès 45 ans. Il suffira ensuite de valider, chaque année, la mise à jour.
Quelles sont les erreurs à rechercher ?
La plus courante, c’est une année non comptabilisée. "L’oubli peut concerner uniquement le régime de base, alors que les points sont bien mentionnés au titre de la complémentaire, ce qui doit attirer l’attention", constate Florent Vial, conseiller expert de Médicis.
Il faut donc non seulement vérifier que toutes les années sont bien recensées, mais aussi la cohérence entre les régimes. Idem pour les cadres avec les points Agirc et Arcco.
A FAIRE
Numériser ses vieux bulletins de paie
Avoir un dossier avec tous justificatifs de sa carrière permet une vérification simplifiée.
Faire une copie dans un coffre-fort numérique est encore plus sûr, surtout s'il faut faire la preuve d'une omission du relevé.
A NE PAS FAIRE
Attendre la liquidation de ses droits
Attendre le dernier moment pour se pencher sur sa carrière, c'est se priver d'informations cruciales pour en optimiser la fin.
Disposer d'une bonne vision de ses droits permet de partir au bon moment et avec la meilleure pension possible.
Autre erreur: un employeur manque
Le RIS doit lister tous les boulots, même les plus petits! Car un seul job étudiant passé à la trappe, et ce peut être plusieurs trimestres de perdus.
"La validation d’un trimestre ne se fait pas en fonction du temps travaillé, mais de la rémunération perçue", rappelle Dominique Prévert.
Des expériences plus longues peuvent aussi manquer. Il arrive que l’employeur de l’époque n’ait pas réglé les cotisations dues.
Dans ce cas-là, il faut absolument récupérer ses bulletins de paie pour faire preuve de sa bonne foi, les caisses étant indulgentes.
Corrections tardives
Troisième erreur: des trimestres oubliés. Le service militaire fait partie des omissions courantes alors qu’il permet de valider un trimestre tous les 90 jours passés sous les drapeaux (dans la limite de quatre par an).
Attention aussi aux périodes de chômage indemnisé, qui octroient un trimestre tous les 50 jours. "Au chômage, on engrange aussi des points dans les régimes complémentaires sur la base de son salaire de référence", alerte Dominique Prévert.
Enfin, à garder en tête, les huit trimestres par enfant octroyés aux femmes pour leur éducation ne figurent jamais sur les relevés avant 55 ans.
Dernière erreur courante: l’oubli des années travaillées hors de France
Méfiance en effet pour les carrières à l’étranger relevant du droit local: lorsque le pays a signé une convention bilatérale de sécurité sociale avec la France, des trimestres peuvent être pris en compte.
Une fois ce travail minutieux mené à bien, les corrections doivent être réclamées. Un simple mail à la caisse concernée peut suffire. En tout cas dans un premier temps. Ensuite, il faudra passer à la lettre recommandée. Car les caisses, par manque de temps, rechignent souvent à traiter les erreurs avant le relevé des 55 ans.
"Mon relevé comportait plusieurs erreurs"
Joëlle Nascimento, consultante en communication et marketing
"Quand j’ai reçu mon RIS, je me suis penchée dessus car j’ai un parcours assez complexe: j’ai travaillé dans l’Education nationale, j’ai été salariée, puis j’ai monté ma société, et désormais je suis autoentrepreneuse. Déjà, le document n’est pas évident à comprendre. De plus, le nom de l’un de mes premiers employeurs n’apparaissait pas. J’ai donc contacté les caisses de retraite pour poser mes questions. Sans succès. J’ai donc fait appel aux services de Sapiendo. Résultat, mon relevé comportait des erreurs : les trimestres et les salaires de mon expérience dans l’Education nationale étaient mentionnés pour le régime de base, mais la complémentaire avait été omise. J’ai aussi appris que les huit trimestres pour enfant n’étaient pas indiqués. Enfin, l’un de mes ex-employeurs était manquant. J’ai dû fouiller dans de vieux cartons pour retrouver mes feuilles de paie de l’époque, et j’ai bien fait, car cela représente deux années et demi de cotisations!"
Source: www.challenges.fr
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