Au bureau, il est presque en voie de disparition. Selon les tout derniers chiffres, on achète désormais 1,36 million de costumes par an contre plus de 3 millions en 2011.
Le costard n'a franchement plus la cote ! Le marché des ensembles veste-pantalon de même étoffe et même couleur s'est, en effet, considérablement rétréci, chutant de près de 60 % en moins d'une décennie.
Selon les dernières données de l'institut Kantar, il se vend désormais dans notre pays 1,36 million de costumes par an contre 3,3 millions en 2011.
« Ce reflux est assez spectaculaire. C'est plus qu'un effet de mode, c'est presque un phénomène de société », observe Frédéric Valette, responsable du secteur mode et distribution chez Kantar.
Parallèlement, le nombre de cravates achetées chaque année a, sans surprise, suivi le même rythme, dégringolant de 3 millions en 2012 à 1,42 aujourd'hui.
La proportion des hommes investissant au moins une fois par an dans cette bande de tissu est de 2,5 % contre 6,6 % il y a 7 ans.
S'il continue d'habiller ces messieurs lors des mariages (en baisse) et des enterrements, le costume, autrefois uniforme inconditionnel des cols blancs, a perdu de sa superbe au travail, surtout chez les jeunes, les fameux « millenials ».
« C'est, dans une société de confort, de cocooning et de bien-être, l'avènement d'une génération entière qui s'habille sportswear, apporte sa petite touche et revisite le costume à sa manière. Elle peut, par exemple, porter une veste de smoking avec un jean et des sneakers. C'est un moyen de se démarquer, avec une certaine élégance », souligne Patrice Naparstek, président de la commission économie métier à la Fédération nationale de l'habillement.
Comme s'il fallait gommer les différences de statuts
« La mode masculine s'est déformalisée, en particulier parce que la frontière vie perso et vie pro s'est beaucoup floutée à l'ère du télétravail.
Le costume, resté figé depuis la révolution industrielle même s'il est plus ou moins épaulé, plus ou moins cintré, est vécu comme une contrainte, un non-choix.
Aujourd'hui, le trench-coat, la parka ou le caban bleu marine ont pris le pas sur la veste traditionnelle », décrypte Thomas Zylberman, styliste et tendanceur au sein de l'agence Carlin Creative.
Selon cet œil avisé, une « nouvelle figure de l'entrepreneur plus cool », celle du « startupper qui n'a pas envie d'incarner les codes vestimentaires de papa » est également née.
Pour se rendre « au boulot » à vélo ou en trottinette électrique, elle va évidemment tomber la veste !
Dans les open spaces, il est fréquent dorénavant de croiser des patrons vêtus comme leurs… employés !
« Les entreprises ont tendance à vouloir humaniser les relations comme s'il fallait gommer les différences de statuts entre les uns et les autres, qu'il n'y ait plus de frontière entre subordonnés et supérieurs hiérarchiques », constate le « psy » Sébastien Hof. Mais pour lui, cet « effacement symbolique des frontières » présente un « côté artificiel » et s'avère être « un vrai leurre ». «
Car dans les décisions, les patrons restent chefs ! Les employés n'ont jamais été aussi isolés dans le monde de l'entreprise », martèle-t-il.
Il résiste en politique
Face à la remise au placard des costards, les boutiques de prêt-à-porter tentent de s'adapter en agrandissant leurs rayons « sportswear » qui, eux, sont en plein essor. Mais attention, il ne faudrait pas enterrer trop vite le bon vieux costume!
D'abord parce qu'il résiste dans les milieux des assurances, de l'immobilier, de l'industrie pharmaceutique, de l'hôtellerie de luxe. Mais aussi de la finance, de la banque et de la politique, secteurs qui font souvent face à un climat de défiance.
« Le costume, c'est l'habit qui met un peu de distance, qui permet de garder une certaine autorité et la main dans la relation avec les autres », explique Sébastien Hof. Ensuite, il a toutes les chances de ressusciter mais cette fois plutôt taillé sur mesure.
« Il a un plan de survie pour rebondir, c'est celui qu'on porte pour être beau, avoir du style et se démarquer, pas parce qu'on y est obligé », pronostique le tendanceur Thomas Zylberman. « On le revoit dans les défilés des marques de luxe, il va revenir dans les rues. La mode est un éternel recommencement », rappelle Patrice Naparstek, de la Fédération nationale de l'habillement.
Le costume, une invention très british
Le chic à la française n’a pas tout inventé en matière de mode. Le costume cravate en est la preuve, né en Angleterre au XIXe siècle, remplaçant petit à petit la tenue dite « de cour » inondée de broderies et de rubans. George « Beau » Brummel, pionnier du dandysme britannique mort en 1840, en est le meilleur ambassadeur.
Fils de la reine Victoria, le prince de Galles, qui deviendra Edouard VII et roi d’Angleterre en 1901, développe cette tendance dans la seconde partie du XIXe siècle. Il popularise de nouvelles étoffes à l’instar du tweed, de la flanelle ou du fameux tissu… prince de Galles !
Les couleurs s’assombrissent, le noir prend le dessus. Le complet ou costume trois-pièces, composé d’un pantalon, d’une veste et d’un gilet assortis, traverse la Manche. La bourgeoisie hexagonale s’inspire du style des aristocrates british.
Déjà après la Révolution française, les vêtements avaient perdu de leurs ornements, symboles (honnis) de l’Ancien régime. Le confort est le premier but recherché. La cravate, elle, détrône le jabot.
Source: www.leparisien.fr