Ils empiétaient déjà sur nos nuits, voilà qu’ils grignotent aussi nos temps de repas, comme le révèle une enquête réalisée par l’institut Kantar dévoilée par Le Parisien. Avec des conséquences non négligeables sur notre appétit et la convivialité.

Allez, on se fait un petit SMS entre la poire et le fromage ? Pfuit, c’est parti…
Vous vous êtes reconnus ? Ils grignotent déjà nos nuits, voilà que les écrans débarquent dans nos assiettes.
Un Français sur trois utilise son smartphone ou sa tablette lors des repas, montre une enquête réalisée par l’institut Kantar* que nous dévoilons en exclusivité.
Pour la moitié des 18-34 ans, ils sont même devenus un compagnon incontournable : impossible de passer à table sans.
Ce besoin quasi « réflexe », disent-ils, de rester connectés où qu’ils se trouvent (à la cantine ou en famille) n’épargne même plus les moments censés être « off », ceux dédiés normalement à la convivialité.
Chez les trentenaires, on pianote, on textote, partout et tout le temps : au restaurant (50 %), lors des repas chez les grands-parents (49 %), avec les amis (58 %) et même quand on dîne en amoureux (31 %).
« On sait, c’est mal », confessent en chœur ces accros, honteux.
Pour 65 % d’entre eux, c’est un vrai « manque de politesse ». Ces instants sur écran grapillés quand l’un s’absente brièvement en cuisine ou que la conversation tombe, sont comme du temps volé aux autres, ils en ont conscience.
Ils empêchent de « profiter de l’instant présent », casse un moment de partage, parasite un moment d’échange. Mais c’est plus fort qu’eux. Sans, ils se sentent perdus…
Une addiction et de la gêne
Tous addicts : c’est comme cela qu’ils qualifient leur fâcheuse habitude (69 %). On aurait pu penser que les 18-24 ans s’auto-absolvent… Après tout, ils font partie de cette génération « petite poucette », décrite par le philosophe Michel Serres décédé ce samedi.
Mais non, ces enfants du numérique éprouvent une certaine gêne et admettent tout comme leur aîné une forme d’addiction (48 %). Dans la patrie de la gastronomie, cela les met mal à l’aise, alors tous luttent : deux tiers des Français ont déjà essayé de décrocher.
Côté conséquences, inviter un écran à table n’est pas anodin. Cela incite à manger plus sans le savoir.
« On sait que les écrans perturbent notre sentiment de satiété, explique la nutritionniste Sophie Deram, on se met à manger mécaniquement, cela peut nous conduire à avaler dit-on entre 15 à 20 % de quantités en plus chez l’adulte et jusqu’à 30 % de plus chez l’enfant. »
Face à un écran, la tendance est aussi de manger « plus gras et plus sucré », souligne l’auteur d’« Oubliez les régimes, ils font grossir ». Pas très bon pour la ligne !
Parents, montrez l’exemple
« Notre cerveau nous joue des tours », a-t-il l’habitude de dire. Et lorsqu’on mange entre amis, en famille et que les écrans s’en mêlent, c’est encore plus vrai, explique Albert Moukheiber, docteur en neurosciences.
« Pour l’instant, on ne sait pas vraiment quel est leur impact, explique le fondateur de l’association Chiasma, qui étudie l’effet des réseaux sociaux sur nos comportements. Si cela se trouve, on va savoir s’y adapter comme avec l’électricité. Quand la fée électricité est arrivée dans les foyers, certains disaient : on ne va plus pouvoir dormir ! »
Le « bien manger » est-il en péril ? Trois repas par jour, variés, pris à heures relativement fixes, en prenant soin de rester assis, de savourer les aliments : aujourd’hui encore, le modèle français est cité partout en exemple. Les écrans vont-ils le faire dévisser ? « Ils nous empêchent d’apprécier ce que nous mangeons », remarque un Français sur deux.
« Les écrans c’est l’altérité invisible, poursuit l’enseignant à Paris 8. Pour les repas en famille, cela peut-être délétère. Le bien manger en France a déjà largement été bousculé par l’accélération du rythme de travail : là où on prenait 1h30 pour le repas de midi, on ne prend que 30 minutes de pause déjeuner. Pour prendre du plaisir à manger ensemble, il ne reste plus que le dîner et le week-end. C’est cette sphère jusque-là protégée que les écrans viennent bousculer. Si on veut préserver cette part de plaisir, il faut arriver à la sanctuariser. C’est d’abord aux parents de montrer l’exemple. On critique beaucoup les ados, mais les parents se trouvent toujours de bonnes excuses pour se servir de leurs écrans à table : désolé, c’est le boulot, là, c’est une urgence. Une heure de temps en temps, tous sans téléphone, on devrait y arriver et s’il y a des exceptions, cela ne sera pas la fin du monde. »
*Réalisée pour Amora auprès de 1000 personnes du 14/05/2019 au 16/05/2019 selon la méthode des quotas, sur la base de 25 questions.
Auteur : Aline Gérard
Source: www.leparisien.fr