Après la visite historique de Jean-Paul II en 1985, François était l’hôte prestigieux de Mohammed VI à Rabat.
Le Maroc, 41e pays visité par François, a fait l’objet de toute l’attention du monde musulman, moins de deux mois après son voyage à Abu Dhabi. C’est en effet la première fois que le Souverain Pontife est reçu par un chef d’Etat qui est aussi un leader spirituel.
Mohammed VI, en tant que descendant direct du prophète Mahomet, est le Commandeur des croyants, la plus haute autorité spirituelle et religieuse du pays. Aussi le roi a-t-il tenu à présenter sa famille, à commencer par le prince héritier, à François avant que celui-ci n’entame son marathon.
Le samedi a été marqué par un appel conjoint du roi et du Pape « pour préserver la ville sainte de Jérusalem, patrimoine commun de l’humanité, surtout pour les fidèles des trois religions monothéistes, lieu de rencontre et symbole de coexistence pacifique dans lequel se cultivent le respect réciproque et le dialogue ».
Autre moment mémorable, quand le Pape s’est incliné devant les tombes de Mohammed V et Hassan II, grand-père et père de Mohammed VI et que, de sa petite écriture fine, il a inscrit sur le livre d’or du mausolée : « Il faut prier pour la fraternité et la solidarité entre chrétiens et musulmans. »
Puis il a rencontré à l’institut Mohammed VI, fondé par l’actuel roi en 2014, les prédicateurs et prédicatrices en formation.
Le dimanche a été dédié aux catholiques, 23 000, soit 0,07 % de la population, vivant paisiblement dans un pays musulman marqué par la tradition alaouite fort éloignée du rigorisme de l’Arabie saoudite. Surtout issus d’Europe ou d’Afrique subsaharienne, ils comptent parmi eux des religieuses franciscaines missionnaires, des sœurs du Sacré Cœur, des communautés contemplatives de clarisses, carmélites, trappistes et des salésiens enseignants…
Lors de ce 28e voyage apostolique retransmis en direct sur trois chaînes locales, il était frappant de voir la solennité, la concentration mais également la joie et la fierté se dégageant de part et d’autre.
Le roi a prononcé à Rabat un vibrant discours avec la même aisance en arabe, espagnol, anglais, français, auquel François a répondu la gorge serrée par l’émotion.
Des images fortes alors que généralement pendant de ce genre de cérémonie les protagonistes ont le visage plutôt fermé. On percevait une admiration entre ces deux personnages pour lesquels le dialogue interreligieux, la question des migrants et la tolérance sont des exigences qui rapprochent.
La politique volontariste de Mohammed VI a fait régulariser plus de 50 000 migrants ces dernières années dont 80 % d’Africains, confirmant en cela que le Maroc est un pont entre l’Afrique subsaharienne et l’Europe.
Mohammed VI et François n’ont pas le même tempérament, ne sont pas de la même génération, mais ils partagent certains desseins communs
Côté Saint-Siège, il faut par ailleurs rappeler que, depuis le début de son pontificat, chaque mercredi lors des audiences générales, les catéchèses de François sont traduites en plusieurs langues dont l’arabe.
Quant à Sa Majesté, elle a permis le dimanche 31 mars à la communauté chrétienne du Maroc de manifester de façon très visible sa présence en mettant à la disposition de Sa Sainteté, sous une protection policière efficace, le stade Moulay Abdallah pour la grand-messe qui a accueilli 10 000 participants.
Apothéose de ce week-end où les religieuses surtout les africaines chantaient et dansaient autant qu’elles priaient avec François, dans une atmosphère chaleureuse et recueillie. Plus discrètement, la veille, le roi avait invité au palais le personnel chrétien afin qu’ils puissent saluer le Pape.
L’Etat de la Cité du Vatican est sans doute moins grand que nombre de palais royaux, Mohammed VI et François n’ont pas le même tempérament, ne sont pas de la même génération, mais ils partagent certains desseins communs. La promotion des valeurs de paix, de tolérance, de solidarité.
Ce qui a notamment incité François à réaffirmer son soutien au pacte mondial sur les migrations des Nations unies adopté à Marrakech en décembre dernier. Comme me le confiait un proche du roi, « Sa Majesté a toujours à l’esprit une phrase du philosophe français Paul Ricœur : “Les religions sont comme les langues, il faut apprendre le langage de l’autre.”»
Là était sans doute le secret de cette entente.
Source: www.parismatch.fr