Devenir plus riche que riche par le fruit du hasard chamboule une existence. Pour que l’argent fasse le bonheur de leurs grands gagnants, la Française des jeux (FDJ), l’une des rares loteries au monde à disposer d’une telle offre, propose un nouveau service d’accompagnement collectif suivi par quelque 200 privilégiés.

Ce dispositif, dévoilé en exclusivité, est censé éviter les sorties de route comme les fortunes dilapidées et ne « pas les lâcher », comme cela se produisait dans les années 80.
Il comprend 14 ateliers cette année ainsi qu’un inédit « club de parrains » permettant aux chanceux d’hier de guider les multimillionnaires récents. Ce vendredi, les dénicheurs de bons numéros ont rendez-vous dans les Hauts-de-France pour une séance de culture financière.
Au programme également ces prochains mois, des escapades « en famille » pour discuter à bâtons rompus des soucis de fortunés tout en profitant d’un cadre agréable.
À Beaune (Côte-d’Or), ils seront initiés à l’univers du vin. À Bruges en Belgique, ils découvriront les canaux de la Venise du Nord. Un « séminaire gold » réservé aux détenteurs de jackpot à partir de 5 millions d’euros se tiendra 48 heures durant en Corse cet été.

Toutes ces rencontres qui mettent l’accent sur « l’épanouissement personnel » sont gratuites. Mais les frais de déplacement et de logement sont à la charge des participants qui, en principe, ne rechignent pas à la dépense ! Cet accompagnement de la FDJ est facultatif. Entre « 40 à 50 % » des grands gagnants décident d’y prendre part.
En 2018, l’entreprise publique a fabriqué 198 millionnaires. Le portrait-robot du veinard ? Un homme (dans 72 % des cas), employé ou ouvrier, appartenant à la classe d’âge des 50-64 ans.
Pour les aider à garder la tête froide et ne pas commettre d’impair, plusieurs personnes veillent sur eux.
La «guide» de la FDJ : «Je me mets au diapason de leurs émotions»
Si, un beau jour, vous décrochez le jackpot et appelez le numéro cristal destiné aux grands gagnants, c’est sur elle que vous tomberez ou l’une de ses deux collègues. Isabelle Cesari, 43 ans, a la chance d’être à la tête du service relations gagnants de la Française des jeux. De la réception de l’appel du veinard aux différents ateliers d’accompagnement sans oublier la remise du gros chèque, elle joue les guides.
Et, promis-juré, elle n’est pas jalouse de la fortune de ses interlocuteurs. « Ce n’est pas perturbant. Je leur dis : Je suis ravie pour vous, je partage votre bonheur. Je me mets au diapason de leurs émotions, je suis dans l’écoute. Souvent, ils ne réalisent pas, ils ont l’impression de rêver. J’essaie de tempérer une euphorie trop importante », souffle-t-elle.
Finie l’époque où les heureux vainqueurs étaient conviés en limousine au Crillon. « Quand on les invite, on choisit des endroits cosy, mais pas ostentatoires. On fait en sorte qu’ils soient à l’aise », décrit-elle, adepte des « cocons de bien être » et du « sur mesure ».
Elle entend offrir « une dimension humaine plus forte » aux rencontres entre grands gagnants « centrées sur le développement personnel ». « Pour leur permettre de s’épanouir avec leur gain en fonction de ce qu’ils sont, sans jugement, sans leur mettre dans le crâne des codes de richesse qui n’existent pas », insiste-t-elle. Ses rendez-vous sont un succès. « On fait carton plein. Parfois, on doit même refuser du monde », assure-t-elle.
Le conseiller bancaire : «Je suis là pour les rassurer»
Il donne des leçons sur les actions, obligations, OPC (Organisme de placement collectif) et autres PEA (Plan d’épargne en actions). Lors d’un atelier d’une journée riche en acronymes, pourcentages et sommes avec plein de zéros, Eric Geron, 53 ans, expert du Centre de formation de la profession bancaire (CFPB) aide les grands gagnants à se familiariser avec l’univers de la finance et les différents types d’investissements.
« Contrairement aux personnes qui ont construit leur patrimoine dans la durée et appris à le gérer, eux n’ont pas forcément de culture financière et fiscale. Ils n’ont pas connaissance des processus à mettre en place. Ils veulent comprendre ce qu’ils peuvent souscrire et combien ça va leur rapporter », décrypte cet ancien banquier spécialisé dans la gestion de patrimoine.
Il reste « totalement neutre », ne met aucun établissement ou investissement en avant, refuse de leur conseiller une stratégie.
« Moi, je donne les différentes options pour placer l’argent, pour qu’ils puissent faire leurs choix en conscience. Je suis là pour les rassurer, pour partager une culture financière », martèle-t-il. À son auditoire, il fait un exposé sur « les supports financiers risqués » comme « payer une SICAV en dollar », mais aussi les « produits très sûrs » à l’instar des assurances vie.
« Ils comprennent vite les enjeux, ils veulent préserver leur capital », constate le pédagogue. Les multimillionnaires du hasard ne sont pas du genre à mettre tous leurs œufs dans le même panier, préférant « diversifier leurs investissements ».
La coach : «Le plus important pour eux c’est la liberté retrouvée»
Dans les séances d’accompagnement orchestrées par Cathy Crochet, on joue avec les mots, pas avec une grille de Loto ! Sur une feuille ou un tableau, une quinzaine de chanceux planchent, par exemple, sur le nom « richesse » écrit verticalement et décliné sous forme d’acrostiche : à chaque lettre doit correspondre un autre mot qui renvoie au thème choisi. Même exercice avec « changement de vie ».
« Pas besoin d’être Victor Hugo ! Tous les mots de l’état d’esprit du moment y passent. Quand on écrit, on se pose, on est davantage dans la réflexion pour exprimer des émotions, ça ne part pas dans tous les sens comme parfois à l’oral », décrypte cette animatrice d’atelier en écriture intervenant aux côtés d’une psy.
Les participants, qui ont parfois du mal à extérioriser leurs émotions, sont également invités à sélectionner des images illustrant le mieux leur trésor et à les poser sur une table. « Celles d’un repas en famille autour d’une belle table, d’une bouteille de champagne ou d’une grosse voiture », détaille la consultante âgée de 54 ans.
Les néo-Crésus n’ont pas forcément la folie des grandeurs. « Ce qui est très important à leurs yeux, c’est le gain immatériel, le partage avec les proches, la liberté retrouvée, la sérénité, le bien-être avec les enfants plus que l’achat de la dernière montre de luxe », observe la cofondatrice du cabinet Encademots.
Elle est aussi assaillie de questions existentielles comme : « Est-ce que je dois révéler à mon entourage que j’ai gagné ? » « Il n’y a pas une réponse globale valable pour tous les cas. L’essentiel, c’est de prendre le temps de la réflexion. Et quand on le dit, il n’y a aucune nécessité de préciser le montant du pactole », conseille-t-elle.
Source: www.leparisien.fr