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Entreprenariat : Bouchra Bayed « Le continent arrive à un moment charnière de son histoire économiqu

Avec plus de 12 000 adhérents et 30 entités partenaires, l'association Maroc Entrepreneurs est une voix qui compte dans l'environnement économique franco-marocain. Sa présidente, Bouchra Bayed, s'est confiée au Point Afrique.


Dans le cadre de la Journée de la création d'entreprise organisée ce 9 février, l'association Maroc Entrepreneurs a réuni à Paris d'importants acteurs impliqués dans la dynamique de création de valeurs et d'émergence du royaume chérifien autant sur le terrain national, avec une forte réflexion autour de l'inclusivité, que sur l'international, avec la volonté d'une ouverture de plus en plus grande vers les partenaires et marchés africains et extra-africains.


Sur fond de présentation de projets et d'échanges autour du concours Tremplin Maroc 2018, programme gratuit d'aide à la création d'entreprise de Maroc Entrepreneurs, ont été mobilisés le ministère des Marocains résidant à l'étranger, celui de la Justice, la direction générale des impôts, l'Agence marocaine pour le développement des investissements et des exportations (AMDIE), la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), Maroc Numeric Cluster et d'autres acteurs majeurs.


Au-delà de master class autour d'ateliers tels que « Investir au Maroc », la réflexion autour des « valeurs individuelles et collectives » dans le projet entrepreneurial, les outils en matière de financement et les « nouvelles voies de l'innovation en Afrique », la journée entend se focaliser sur une thématique majeure autour de laquelle se déploient tous les enjeux d'un espace à créer et dont il faut prendre conscience de la pertinence : l'Europe, la Méditerranée et l'Afrique, trois entités géographiquement proches et dont les synergies doivent être travaillées autour d'une réflexion sur le partenariat d'avenir à poser pour construire un projet commun.


Aux premières loges de ce débat, Fathallah Sijilmassi, économiste, diplomate, secrétaire général de l'Union pour la Méditerranée de 2012 à 2018, Jean-Louis Guigou, président de l'Institut de prospective économique du monde méditerranéen (Ipemed) et Abdou Soulèye Diop, du cabinet Mazars au Maroc.


Présidente de Maroc Entrepreneurs depuis 2017, Bouchra Bayed, senior consultante en organisation et conduite de changement, a accepté de nous emmener dans les méandres d'une association qui se veut concrète et agissante.


Quel sens revêt pour l'association Maroc Entrepreneurs une rencontre autour du thème du partenariat entre l'Europe, la Méditerranée et l'Afrique perçu comme un projet commun ?


Bouchra Bayed : Depuis dix-neuf ans, Maroc Entrepreneurs suit pas à pas l'évolution socio-économique du royaume et accompagne les tendances entrepreneuriales dans le continent. L'événement de cette année, placé sous le thème « Europe-Méditerranée-Afrique : quel partenariat d'avenir pour ce projet commun  ? », se veut une affirmation du partenariat économique exceptionnel qui se dessine entre les deux continents en ayant la Méditerranée comme pivot. Ainsi, Maroc Entrepreneurs renforce sa ligne directrice et sa mission continuelle de promotion de la coopération nord-sud.


À la veille de ses 20 ans, l'association que vous présidez a déjà à son actif des initiatives remarquées en direction des jeunes comme le concours Tremplin Maroc. Où en est aujourd'hui la création d'entreprise au Maroc mais aussi celle des Marocains de l'étranger ?


Pour stimuler davantage l'envie d'entreprendre, Tremplin Maroc a été mis en place en 2007. Il s'agit d'un programme d'accompagnement personnalisé, destiné à tout entrepreneur souhaitant créer son entreprise au Maroc et plus globalement en Afrique, labellisé « Tremplin Maroc ». Depuis sa création en 2007, Maroc Entrepreneurs a pu accompagner 70 projets, dont 14 entreprises encore « en vie ». Le Maroc a été félicité par la Banque mondiale quant aux mesures mises en place pour l'amélioration du climat des affaires. Toutefois, il y a un réel besoin d'accompagnement et de mise à disposition d'un écosystème dans lequel grandes et petites entreprises pourraient cohabiter et coproduire. Les difficultés d'accès au financement et les restrictions des instruments alternatifs freinent le développement de toute start-up ou TPME. Par ailleurs, la disparité homme-femme constitue un frein réel : les femmes se heurtent à des écueils d'ordre culturel et structurel. L'entrepreneuriat est un moteur essentiel pour la croissance économique du royaume. Elle ne peut être efficiente que par la création d'un environnement propice au développement des entreprises afin d'assurer une pérennité à long terme et préserver la dynamique de développement locale, régionale et nationale.


Quels sont les secteurs les plus prisés en la matière par les jeunes Marocains ?

Les tendances changent et évoluent d'une manière exponentielle. Le digital et les nouvelles technologies restent les plus prisés et les plus utilisés au service d'autres domaines : agriculture, gestion des déchets, service à la personne, architecture, financement participatif, économie sociale et solidaire, moyens de paiement, etc.


Formation et coaching accompagnent vos porteurs de projet. Qu'en est-il de la dimension culturelle dans l'apprentissage de la gestion de l'entreprise dans votre programme ?


Tremplin Maroc permet chaque année à une dizaine d'entrepreneurs de transformer leurs idées de création d'entreprise en un véritable projet. Offert par Maroc Entrepreneurs, le programme comprend un ensemble de sessions de formation dispensées par des professionnels de la création d'entreprise et de l'entrepreneuriat en France et au Maroc. Cet encadrement personnalisé permet aux participants de réaliser un business plan complet et concret de leur projet : business model, étude de marché, positionnement sur ce marché, prévisions financières, cadres juridique et fiscal, etc. La dimension culturelle fait partie intégrante du programme puisque deux jours de formation y sont consacrés pour disposer des bonnes pratiques et facteurs-clés de succès d'une installation au Maroc, mais aussi et surtout pour s'initier à la gestion de l'entreprise avec toute la dimension humaine qu'elle peut comporter. Par ailleurs, chaque projet est également suivi par deux coachs de l'association, tenus à la confidentialité formelle et qui sont à sa disposition tout au long de la formation.


Au regard des différentes concrétisations, quels sont les traits essentiels que vous retiendriez du retour d'expérience de celles et de ceux qui se sont lancés il y a déjà plusieurs années ?


Les écueils que peuvent rencontrer les créateurs de jeunes entreprises sont quasiment tous identiques : difficulté d'accès au financement, manque d'information dans certains domaines de niche, multiplication, voire complexité, des démarches administratives, parfois la barrière de la langue, etc. Maroc Entrepreneurs les accompagne autant que faire se peut pour dépasser tous ces obstacles par la mise en relation avec des partenaires institutionnels et privés au Maroc tels que le ministère des Marocains résidant à l'étranger, la Caisse centrale de garantie, Maroc Numeric Fund, MeM by CGEM, Mazars Maroc, etc.


Comment le Maroc arrime-t-il sa dynamique de création d'entreprise à sa volonté de s'arrimer aux écosystèmes des pays subsahariens ?


Le Maroc est le pays africain dont le montant des investissements dans le continent est le plus important. L'intégration de l'Union africaine, les accords bilatéraux signés avec plusieurs pays, etc. ont dynamisé et consolidé la coopération du royaume avec la majorité des pays africains. Le Maroc s'est imposé en tant qu'investisseur incontournable dans les secteurs de la banque, de l'assurance, des télécommunications, de l'industrie, de l'immobilier et de l'agrobusiness en Afrique de l'Ouest (en tête), puis des pays de l'Afrique centrale et ceux de l'Afrique de l'Est. Toutefois, si le Maroc souhaite préserver ce positionnement de hub régional, il sera primordial de réfléchir à une meilleure intégration des spécificités africaines : produire ce dont les partenaires africains ont réellement besoin afin de renforcer la coopération sud-sud. Nous sommes un continent qui est doté de richesses incommensurables, il est également du rôle de chaque pays de capitaliser sur son potentiel intrinsèque pour participer activement au rayonnement de cette partie du monde tant convoitée.


Quel regard posez-vous sur l'avenir des relations entre l'Europe, les pays de la Méditerranée et ceux de l'Afrique ?


À l'instar de l'Amérique du Nord avec l'Amérique du Sud, l'Afrique et l'Europe se retrouvent davantage arc-boutées. Leur proximité géographique, leurs relations historiques et leurs accords de partenariat économique conduiront à un arrimage des deux continents où la Méditerranée sera leur épicentre. Par ailleurs, le renforcement de la coopération sud-sud et l'ouverture aux autres pays traduisent l'importance qu'accorde le Maroc, partenaire de référence dans cette région, à ce projet commun. De même, l'ancrage africain du pays le place à tous les niveaux en tant qu'acteur méditerranéen incontournable, dans l'émergence d'un partenariat d'avenir tripartite. Le royaume, se trouvant ainsi au carrefour des civilisations et au cœur des flux commerciaux entre l'Europe et l'Afrique, pourra s'ériger en pont dans l'édification et la pérennité de cette impulsion économique. C'est d'ailleurs pour cette coopération stratégique, bénéfique et profitable aux deux continents que le Maroc a toujours plaidé.


Comment y voyez-vous la place et l'apport des jeunes ?

La jeunesse est le socle d'un pays : elle a prouvé ces dix dernières années son rôle prépondérant dans le développement d'un écosystème vertueux dans le monde. Les jeunesses en font partie. Le continent arrive à un moment charnière de son histoire économique nationale et internationale. Il devient incontestable que l'encadrement des jeunes, la formation professionnelle continue, la sensibilisation à la création d'entreprise, le développement de projets, l'accompagnement dans la concrétisation du projet et le financement sont au cœur des préoccupations de tous. D'ailleurs, le changement substantiel que connaît l'Afrique est dû en grande partie à la présence d'une nouvelle génération d'entrepreneurs, qui, sans faire cas de leurs différences sociales, participent activement à l'enrichissement des pays respectifs. C'est dans ce sillage que les leaders africains devraient persévérer pour accroître la dynamique de transmission des savoirs et de gestion des connaissances. Ainsi, le rêve entrepreneurial deviendra une évidence sociale pour chaque jeune et une réalité économique dans chaque pays.


Interview réalisée par Point Afrique


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