Le lien entre bien-être et personnalité est complexe, mais contrairement à ce que suggéraient les recherches précédentes, il ne suffit pas de se comporter de façon extravertie pour se sentir mieux.
Le bonheur, a-t-il été écrit, est l’objectif de toute entreprise humaine. Pourquoi nous efforçons-nous d’améliorer la médecine, de renforcer les économies, d’accroître l’alphabétisation, de réduire la pauvreté ou de lutter contre les préjugés ? Tout se résume à l’amélioration du bien-être humain.
Les psychologues ont mené des centaines d’études pour identifier les déterminants du bien-être. Vous pensez peut-être que votre bien-être dépend des circonstances de votre vie, telles par exemple que la taille de votre cercle de relations ou le montant indiqué sur votre bulletin de paie. Ces facteurs sont importants, mais il s’avère que le rôle central est en réalité tenu par votre personnalité.
L’extraversion est liée au bonheur
Les diverses facettes de notre personnalité sont liées avec différents aspects de notre bien-être, mais un trait de personnalité semble particulièrement important : l’extraversion. L’extraversion recouvre la propension d’une personne à se comporter de façon audacieuse, assurée, grégaire, et à être tournée vers l’extérieur. Plusieurs études ont montré que les gens les plus extravertis atteignent des niveaux de bien-être plus élevés.
Voici quelques années, les psychologues étudiant la psychologie de la personnalité ont eu une idée intéressante : et s’il était possible de devenir aussi heureux que les individus extravertis simplement en se comportant comme eux ? Les résultats des études destinées à vérifier si cette intuition était correcte ont semblé la confirmer.
Des expériences de laboratoire ont par exemple montré que des individus auxquels il avait été demandé d’agir de façon extravertie au cours d’interactions avec d’autres personnes se sont senties plus heureuses. Étonnamment, même les personnalités introverties ont apprécié de se comporter de manière extravertie au cours de ces études.
Les chercheurs ont également utilisé des appareils portables pour suivre les niveaux de comportement et de bien-être des extravertis dans le monde réel, hors du laboratoire. Ces travaux ont eux aussi révélé que les gens se sentent plus heureux lorsqu’ils agissent de façon plus extravertie. Encore une fois, même les gens qui se décrivaient comme très introvertis se sont sentis plus heureux en agissant davantage comme des extravertis.
Ces résultats semblaient suggérer que le comportement extraverti pourrait s’avérer un outil efficace pour stimuler le bien-être, et éventuellement constituer la base de programmes et d’interventions visant à l’améliorer.
Toutefois, ces travaux de recherche présentent des limitations critiques. Les expériences de laboratoire mises en œuvre étaient basées sur des interactions courtes et artificielles entre des personnes étrangères les unes aux autres. En conséquence, les résultats obtenus ne se vérifieraient peut-être pas nécessairement dans le monde réel. Et les études de terrain qui ont analysé le lien entre le comportement et le bien-être des gens dans le monde réel suivaient une méthode corrélationnelle, qui vise à mettre en évidence le lien pouvant exister entre deux phénomènes, afin de voir s’ils varient simultanément. En clair, cela signifie qu’elles ne pouvaient pas révéler si le fait de se comporter en extraverti était bien la cause de l’augmentation constatée du bien-être.
Pour lever ces incertitudes, nous avons mené le premier essai comparatif randomisé sur l’efficacité du comportement extraverti comme moyen d’intervention sur le bien-être. Nos résultats ont été publiés dans la revue Journal of Experimental Psychology : General.
Qu’avons-nous trouvé ?
Nous avons demandé à certains des participants de notre étude (choisis au hasard) de se comporter de manière extravertie durant une semaine. D’autres participants, faisant office de contrôle, devaient quant à eux se comporter de manière non extravertie. Un groupe contrôle supplémentaire n’a reçu aucune instruction de comportement. Nous avons suivi l’évolution de plusieurs indicateurs de bien-être tout au long de la semaine et nous avons évalué ledit bien-être à la fin de l’intervention.
En moyenne, les gens du groupe « agir extraverti » ont recolté de nombreux bénéfices en termes de bien-être, toutefois ces effets positifs dépendaient de leur personnalité. Plus précisément, les personnes naturellement plus extraverties ont davantage bénéficié de ce comportement, tandis que celles qui étaient relativement introverties ont semblé ne pas avoir bénéficié du tout de leur changement d’attitude. Pire, leur bien-être s’en est même parfois ressenti.
Bien que nos résultats soient en contradiction avec les études antérieures sur les bienfaits de l’extraversion simulée, ils accréditent les mises en garde formulées par les psychologues et auteurs de livres sur le développement personnel : aller contre son propre naturel a un certain coût.
Faire avec sa personnalité
Le fait que notre bien-être dépende de façon intime de notre personnalité a l’air d’une mauvaise nouvelle. Nous aimons penser que nous sommes maîtres de notre destin, et que nous pouvons tous devenir qui nous voulons. Mais que faire, alors, si notre destin est contraint par notre personnalité ?
Certes, notre personnalité conditionne nos vies. Toutefois, elle peut aussi changer, et nous pouvons orienter ces changements nous-même. Il n’est pas facile d’y parvenir, mais nous savons toutefois aujourd’hui que la personnalité n’est pas « gravée dans le marbre ».
En outre, les résultats de notre étude ne suggèrent pas qu’il faut être extraverti pour être heureux. Ils montrent plutôt qu’une intervention spécifique destinée à améliorer le bien-être peut être efficace pour des extravertis, mais fonctionner moins bien pour des introvertis.
Reste maintenant à mener d’autres recherches afin de mieux comprendre comment ce type d’intervention peut être adaptée en tenant compte des diverses personnalités existantes.
Cette approche n’est pas nouvelle. Des idées similaires sous-tendent la médecine personnalisée,). Les experts en marketing savent eux-aussi que la publicité est plus efficace lorsqu’elle est adaptée aux caractéristiques du consommateur. De même, les chercheurs en psychologie positive ont souvent soutenu que les interventions destinées à améliorer le bien-être fonctionnaient mieux si elles correspondaient à la personnalité des individus concernés.
En d’autres termes, il n’existe pas de recette miracle pour accéder au bonheur. Si nous voulons renforcer notre bien-être, nous devons apprendre à l’ancrer sur notre personnalité.
Sourc: www.sudouest.fr