Leur savoir-faire est recherché des amateurs et passionnés de la France entière et de l’étranger. Les Bottin font revivre des moteurs d'antan depuis cent ans !

François Bottin avec Baptiste Chaix qui reprend le flambeau d’un savoir-faire exceptionnel transmis depuis quatre générations. (©Laurent Rebours)
Il faut quasiment être initié pour connaître le garage de la rue Saint-Jean à L’Aigle (Orne). Nombre d’Aiglons passent devant l’Atelier Rétro Technique tous les jours sans savoir que, dans ces lieux se cachent tout simplement des trésors, témoins d’un passé industriel automobile révolu.
Quatre générations les mains dans le cambouis

Un atelier qui est resté « dans son jus » depuis des décennies et qui regorge de pépites (©Laurent Rebours)
Ici, les moteurs des débuts de l’automobile au XIXème siècle jusque dans les années cinquante y sont chouchoutés avec le plus grand soin. Et les amateurs passionnés ne s’y trompent pas en confiant le coeur de leur automobile de collection. Il ressort avec une nouvelle vie et la possibilité de pouvoir refaire quelques dizaines de milliers de kilomètres.

Il y a tout juste un siècle ! (©François Bottin)
Les origines de cette passion peu commune remontent à l’arrière grand-père, Eugène Bottin. Il inculque la passion de la mécanique à son fils, Henri, qui va être le premier à développer le garage automobile il y a tout juste un siècle en 1918. Un établissement qui se trouvait contre l’église Saint-Jean.

Certaines pièces arrivent dans des états qui nécessitent de tout refondre (©Laurent Rebours)
Le fils d’Henri, Pierre, reprend alors la suite dans les années cinquante et son fils, François, actuel propriétaire, est aux manettes depuis 1974. Il ne faut pas oublier son frère cadet, Pascal, qui, lui, s’est spécialisé dans la sellerie automobile haut de gamme. Autant dire que les deux frères sont totalement complémentaires dans leur discipline.
A 10 ans il restaure une Peugeot de 1925 !

Avant-après ! (©Laurent Rebours)
Dire que François est tombé dans le chaudron quand il était petit est un euphémisme ! En fait, son terrain de jeu naturel était déjà les belles mécaniques.
"J’ai commencé à bricoler une vieille Peugeot de 1925 quand j’avais 10 ans. Mon grand-père n’était pas trop au courant à vrai dire, mais je l’ai remise en route ! C’était quelqu’un d’une très grande patience qui m’a enseigné énormément de choses. Surtout, il avait pour lui de pouvoir toucher quasiment à tout, de la mécanique à la maçonnerie, l’ébénisterie, la soudure… et je bricolais avec tous ses outils ".

François Bottin possède des machines parfois uniques lui permettant de réaliser toutes sortes de régulages de moteurs (©Laurent Rebours)
François garde de cette époque une grande nostalgie mais aussi des enseignements toujours d’actualité. De cette époque où l’on faisait tout soi-même, avec les moyens du bord, où l’on testait tout, où l’on ne gaspillait rien, il applique encore ces préceptes aujourd’hui. Une très grande polyvalence qui a fait son succès « car chez nous on ne sous-traite quasiment rien et c’est ce qui plaît à nos clients ».

Et dans les années cinquante, avec la folie des grosses américaines (©François Bottin)
Des clients parfois prêts à faire des milliers de kilomètres pour apporter un moteur hors d’usage voire déposer un vllebrequin de Bugatti en hélicoptère ! Alors, lorsque l’on tutoie de tels sommets ces clients-là n’apprécient guère que leurs joyaux circulent sur de multiples sites.
Une passion à l’état pur

Le moteur de cette Traction accuse des années de bons et loyaux services. Un nettoyage complet, une refonte des chambres des soupapes et il sera prêt à reprendre du service pour quelques dizaines de milliers de kilomètres (©Laurent Rebours)
Motoriste, réguleur, recalibreur, rectifieur… François Bottin l’admet aisément, son métier est un métier de pur passionné où l’on ne peut compter son temps. Pour sa succession, il a trouvé Baptiste Chaix. Un jeune du Pays de L’Aigle de 29 ans, tout aussi passionné que lui. Une véritable opportunité dans cet univers de niche si exigeant.
Les deux hommes se connaissent depuis deux ans et demi et François entend passer progressivement la main ces prochaines années.
Le garage s’est spécialisé aujourd’hui dans tous ces moteurs d’autrefois qui étaient les contemporains du grand-père ! Ce qui fait que parfois il déniche encore des pièces neuves « mais, contrairement aux Britanniques on a énormément jeté de stocks, un sacré gâchis ».
Parmi ses plus belles satisfactions figure la restauration complète d’un moteur Cadillac de 1896 pour un Anglais désireux de participer au mythique Londres-Brighton.
Des moteurs qui ressortent neuf

Un vénérable moteur Talbot-Lago (©Laurent Rebours)
Entre les mains de François Bottin, le moteur essoufflé se refait une santé. Cela suppose non seulement de maîtriser des techniques parfois perdues, de fondre de nouvelles pièces, de tout recalibrer, de rattraper parfois des bêtises provoquées par des bricolages… mais cela va aussi jusqu’à se mettre quasiment dans la tête du motoriste.
"Ces moteurs représentent une époque où l’on innovait, on tentait des choses, on était parfois dans l’empirisme. Ce sont aussi les témoins d’une époque industrielle riche où l’on pensait pour durer, pas comme l’éphémère que nous connaissons désormais. Mais pour nous cela peut être un saut dans l’inconnu alors il faut tenter de comprendre la démarche de son créateur".
L’un des derniers dinosaures !

Une vraie complémentarité s’est installée entre François Bottin et son successeur Baptiste Chaix (©Laurent Rebours)
Véritable orfèvre de la motorisation d’autrefois, François Bottin est l’un des derniers dinosaures dans son domaine puisqu’ils se comptent sur les doigts d’une main. Il est même le seul quasiment à vouloir encore toucher aux moteurs à chemises coulissantes Avion Voisin.
Ses joyaux se nomment Bugatti, Rolls-Royce, Delage, Delahaye, Talbot... aucune mécanique ne lui a résisté jusqu’à présent, même lorsque des marques totalement confidentielles lui sont amenées ou que les constructeurs sont allés jusqu’à créer leur propre visserie.
« A part avec l’électronique, quasiment tout a été conçu à cette époque en matière de mécanique automobile, et beaucoup de choses ont même été créées par hasard » relève François Bottin.
Le fait de pouvoir passer le flambeau à un jeune passionné lui donne une bouffée de réjouissances car cette transmission des savoirs est à ses yeux essentielle, complémentaire à un apprentissage technique. Et cette transmission lui permet de bien marteler le niveau d’exigence requis face à des clients qui conduisent des bijoux de parfois plusieurs millions d’euros.
Par Laurent REBOURS
Source : www.actu.fr/le-reveil-normand