Le compte à rebours a-t-il démarré ? Le 24 mai, le Forum métropolitain du Grand Paris, anciennement Paris Métropole, syndicat mixte qui fédère l’ensemble des collectivités territoriales du Grand Paris jusqu’à la région, a lancé en lien avec l’État une opération de consultation sur le devenir des autoroutes, du boulevard périphérique et des voies rapides ou structurantes du Grand Paris.
Répartis en quatre équipes pluridisciplinaires, les acteurs impliqués ont un an pour développer quatre scénarios d’évolution de l’usage fait des trois principaux axes routiers franciliens – le boulevard périphérique, l’Autoroute 86 et la Francilienne – à horizon 2030 et 2050. La question est donc sur la table : que faire d’un réseau autoroutier francilien proche de l’asphyxie ? Comment imaginer une disparition du boulevard périphérique sous sa forme actuelle qui ne soit pas conflictuelle ?
Pollution, bruit
En ouverture de leur récit, Philippe Gazeau et Louis Paillard, auteurs du livre ‘Habiter le périphérique’ (aux éditions FGP), expliquent que le boulevard parisien occupe une place à part dans le système de radiales autoroutières francilien. “Atypique et singulier [le périphérique] concentre de façon exacerbée les contradictions urbaines, conflits territoriaux et impasses écologiques, issus des politiques d’aménagement”.
Au vu des données disponibles, il est difficile de ne pan impacs leur donner raison. Au registre pollution, le boulevard périphérique est dénoncé pour sot prononcé sur les émissions de gaz à effet de serre et la pollution sonore qu’il engendre. Représentant plus de 40 % du trafic routier parisien, le périphérique est à l’origine de “37 % des émissions d’oxyde d’azote (NOx) et 35 % des émissions de particules fines (PM10) liées au trafic routier”, note l’Apur dans une étude consacrée à la rocade parisienne. Cela équivaut à “un quart des émissions de NOx et 20 % des émissions de PM10 totales parisiennes”.
“Atypique et singulier [le périphérique] concentre de façon exacerbée les contradictions urbaines, conflits territoriaux et impasses écologiques, issus des politiques d’aménagement”
La question du bruit est elle aussi problématique et concerne 100 000 riverains directs. Le seuil critique fixé à 65 décibels est constamment dépassé, les niveaux sonores sont proches de 80 décibels en journée et 70 décibels durant la nuit, d’après les chiffres communiqués par BruitParif.
Ces données rendent pour le moment inconcevable l’idée de développer des lieux de vie autour du boulevard. Et pourtant, parmi les 100 000 personnes vivant à proximité de l’ouvrage, une large part est davantage exposée aux conséquences de la pollution sur la santé : 37 000 habitants âgés de moins de 18 ans et 21 000 de plus de 65 ans.
Cette ceinture routière est également le principal artisan de l’effet de frontière qui sévit entre la capitale et sa proche couronne. Tandis que la réflexion autour d’une évolution de la gouvernance à l’échelle de la métropole s’accentue, qu’un sentiment d’appartenance se développe autour du fait métropolitain, le boulevard périphérique fait figure de dernier rempart.
Multi-concertations
L’importante nouveauté qui caractérise l’initiative du Forum métropolitain est le fait de rassembler autour de la table des négociations l’ensemble des acteurs, d’abord politiques. Sous l’égide du préfet de Paris et d’Ile-de-France, Michel Cadot, et de l’État par le biais du ministère des Transports, la ville de Paris, la région Ile-de-France, les départements du Val-de-Marne, de la Seine-Saint-Denis et du Val d’Oise, les maires d’Ile-de-France ainsi qu’un grand nombre d’intercommunalités, peuvent tous échanger leurs avis. Tout ce monde a en tête le précédent des voies sur berges dont – sans juger de sa pertinence – la décision a paru fortement unilatérale.
“Tout ce monde a en tête le précédent des voies sur berges dont – sans juger de sa pertinence – la décision a paru fortement unilatérale”
Invitée à s’exprimer sur le sujet, la présidente de la région Ile-de-France a plaidé pour une recherche de solutions davantage coopérative. De fait, le forum métropolitain promet d’associer aux échanges citoyens, acteurs de la société civile et économique, décideurs locaux, et bien sûr les usagers.
Un budget de 2,7 millions d’euros est d’ailleurs alloué pour permettre à cette consultation d’être menée à bien de façon pertinente. “Une attention particulière sera portée à expliquer les processus d’évolution et de transition urbaine. Les enjeux de gains mais aussi éventuellement de pertes (en usage, en fonction) seront clairement explicités”, promet-on.
Repenser l’ensemble des fonctions et usages
Le défi proposé par cette opération d’envergure est donc de réussir à amener autour de la table un certain nombre d’acteurs pour penser le nouvel usage des grands axes routiers. Car un sentiment est déjà partagé : le renforcement de l’offre en transports collectifs ne suffira pas à répondre à une disparition nette des axes routiers rapides.
“Un sentiment est déjà partagé : le renforcement de l’offre en transports collectifs ne suffira pas à répondre à une disparition nette des axes routiers rapides”
L’avènement du nouveau métro en rocade, le Grand Paris Express, ne pourra être l’unique réponse apportée. Le Forum explique que dans un contexte de “forte innovation technologique – recherche de nouvelles motorisations, exploitation de l’intelligence artificielle pour les véhicules autonomes – et d’externalités négatives générées par la pollution et la congestion, il est aujourd’hui nécessaire de repenser la fonction, l’usage et la place du réseau d’autoroutes et de voies rapides ou structurantes dans la métropole de demain”.
Aux acteurs de répondre aux questions d’amélioration et d’optimisation des flux de personnes et marchandises, et pourquoi pas d’opérer un tournant radical pour le boulevard périphérique.
Source: www.lenouveleconomiste.fr