Mardi, la Ligue de football professionnel attribuera les droits de retransmission du championnat français, pour lesquels elle espère faire flamber les prix.
Bertrand Méheut, ancien président de Canal +, n’en dormait pas de la nuit… Son successeur, tout comme son homologue de BeIN Sports connaissent eux aussi des sueurs froides à la veille de la clôture de l’appel d’offres pour les droits de retransmission du Championnat de France de football. Car tous veulent proposer en exclusivité le festival de buts que ne manqueront pas de marquer Neymar et Cavani, la revanche de l’OM sur le club de Jean-Michel Aulas, ou la fougue des jeunes joueurs de Monaco !
Ce week-end est décisif pour les chaînes de télévision, qui déposeront lundi leurs offres auprès de la Ligue de football professionnel. Celle-ci attribuera mardi au plus offrant les droits de diffusion de son championnat pour les saisons 2020-2024.
Une procédure stressante, car les chaînes naviguent à l’aveugle : elles doivent proposer le meilleur prix, sans savoir ce que les autres ont misé, ni même qui va participer à ces enchères. « C’est une partie de poker menteur où tout le monde passe son temps à bluffer. Regardez SFR, qui clame qu’elle n’ira pas. Et personne ne la croit. Idem pour Canal qui ose prétendre qu’elle peut se passer de Ligue 1… », observe un grand connaisseur de ce type de procédure.
Les dribbles de SFR
Contacté vendredi, Alain Weill, le nouveau grand manitou des médias de SFR, nous a confirmé qu’il était « peu probable » qu’il participe à la course pour la Ligue 1. Mais l’année dernière, l’opérateur avait surpris tous ses concurrents en décrochant le championnat anglais, puis la Ligue des champions. « Il n’y a pas d’urgence. On veut avancer pas à pas », assure le PDG de SFR, auprès de qui les fans de la Ligue des champions vont devoir s’abonner pour suivre les matchs d’anthologie qui rythmeront leurs mardis et mercredis. SFR doit justement en dire davantage à ce sujet mercredi prochain… Un pur hasard de calendrier, jure tout l’état-major du groupe de Patrick Drahi.
Le pari de Canal + et BeIN
SFR reste la variable inconnue de cet appel d’offres absolument capital pour Canal + et BeIN. « Si ces deux chaînes perdent la Ligue 1, une majeure partie de leurs abonnés vont filer. Sans foot, Canal serait en concurrence avec le géant Netflix sur le terrain des séries. Un pari très risqué », résume Jean-Baptiste Sergeant, expert média chez Main First.
Mais les deux chaînes payantes possèdent-elles une santé financière suffisante pour mettre sur la table le milliard d’euros espéré par la Ligue, qui ne touche « que » 750 millions actuellement ? « Elles n’ont pas le choix », persifle un concurrent, qui rappelle que la Ligue autorise les acheteurs à revendre plus tard les droits achetés mardi…
« Ce sont des moments intenses dans la vie d’un dirigeant, car les sommes engagées sont très importantes et vitales pour son entreprise. Mais la stratégie des uns et des autres est assez lisible », tempère un autre ancien haut responsable de chaîne, qui n’exclut pas que la procédure débouche sur une impasse.
La stratégie secrète de la LFP
Car la Ligue a fixé des « prix de réserve », c’est-à-dire des prix minimums pour chacun de ses lots. Si ces seuils, eux aussi secrets, ne sont pas atteints, même après des enchères, l’appel d’offres devra être relancé d’ici 2020. La Ligue compte sur le regain d’intérêt pour le championnat français enregistré depuis l’arrivée de Neymar pour rattraper son retard financier sur les autres championnats européens. Et elle mise carrément sur une progression de 25 % à 30 % de ses recettes.
Continuera-t-on à s’abonner à Canal + ? Peut-on lever notre option sur BeIN Sports ? Pourra-t-on se passer de SFR ? C’est tout cela qui se décide en coulisses ce week-end. « En général, on décide à deux, après avoir fait valider une fourchette de prix à son actionnaire. Le secret est impératif, même avec ses équipes », assure un expert. À la Ligue aussi, on retient son souffle avant la tempête : une partie de ses équipes sera placée en quarantaine, enfermée dans des bureaux à partir de lundi matin, jusque tard dans la journée de mardi !
Auteur: Benoît Daragon
Source: www.leparisien.fr