Selon Benoît Battistelli, président de l’OEB, «3 millions demandes de brevets ont été déposées en 2017. La moitié émane d’entreprises chinoises. Le Maroc est bien loin avec 1.821 demandes… toutefois, celles-ci ont doublé en 3 ans»

Œuvrer pour que le Maroc soit sur l’échiquier mondial de l’innovation industrielle. C’est le credo partagé par Adil El Maliki, DG de l’Office marocain de la propriété industrielle et commerciale (OMPIC), et Benoît Battistelli, président de l’Office européen des brevets (OEB). Les deux hommes sont venus rencontrer, lundi dernier, les industriels, chercheurs et universitaires de la ville de Fès.
L’occasion pour eux de présenter les nouveaux enjeux de l’innovation industrielle.
Le choix de Fès n’est pas fortuit, du fait que c’est la ville du biologiste Adnane Remmal, le premier Africain et Arabe qui a remporté récemment le prix du public de l’inventeur européen de 2017 pour ses antibiotiques tirés de plantes aromatiques et médicinales. Pour les entreprises nationales, détenir un brevet OEB leur offre un titre et un atout solide juridiquement.
Il certifie qu’il s’agit d’une nouveauté, une invention nouvelle par rapport à l’ensemble des inventions. «Notre brevet est certes difficile à obtenir, mais il est de qualité», explique le patron de l’OEB. Encourageant les entreprises «mêmes les plus traditionnelles de textile, cuir et artisanat» à breveter leurs inventions, Benoît Battistelli a accordé un entretien exclusif à L’Economiste.
«Pour une collaboration très étroite avec le Maroc»
Benoît Battistelli est un habitué du Royaume. «Je viens régulièrement au Maroc dans le cadre d’une coopération très étroite entre l’Ompic et l’OEB, dans le domaine de la propriété industrielle, et plus particulièrement dans le domaine des brevets». En ce sens, il a rencontré les industriels et universitaires de la ville de Fès, lundi dernier. Ceci, afin d’évoquer des perspectives de développement et de coopération encore plus étroite. «J’ai été également reçu par les étudiants de l’Université privée de Fès pour leur expliquer tout ce qu’ils peuvent tirer dans leur projet personnel ainsi que leur carrière professionnelle de la propriété industrielle», ajoute le président de l’OEB.
L’artisanat et la recherche… des secteurs porteurs
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les brevets ne sont pas exclusivement octroyés aux entreprises de haute technologie. Ils sont aussi un outil de développement économique qui peut s’appliquer à tous les secteurs, y compris les secteurs les plus traditionnels comme l’artisanat. A ce titre, la filière du cuir qui jouit d’une longue tradition peut en bénéficier. «D’ailleurs, l’industriel italien qui a créé la marque Geox est breveté pour son invention de semelles pour chaussures percées, aérées et étanches», souligne Battistelli. Aujourd’hui, la société Geox compte plus de 2.000 points de vente dans le monde.
C’est un exemple qui montre qu’à partir d’une invention, on peut développer une activité économique. Le message à véhiculer: la propriété industrielle est un outil de développement économique qui donne à l’entreprise un avantage comparatif par rapport à ses concurrentes. Il peut être utilisé depuis la start-up de haute technologie jusqu’à la PME de l’agro-industrie par exemple.
Les brevets OEB accordés au Maroc ont doublé en 3 ans
La validation du Maroc à l’OEB est actée depuis déjà 3 ans. «Par notre accord avec l’Ompic, un brevet européen est reconnu comme valable au Maroc. Ce qui permet à l’Ompic de se concentrer sur le développement de l’innovation nationale», argue le président de l’OEB. Deuxième effet, ajoute-t-il, le partenariat OEB-Ompic rend plus attractif le marché marocain. D’ailleurs, en 3 ans, le nombre de brevets d’origine étrangère a doublé, passant de 812 à
1. 821.
A noter que tous ces brevets sont accordés à des entreprises qui ont l’intention de se développer sur le marché marocain et d’y investir. Il s’agit là d’un accélérateur de croissance.
Combien coûte un brevet OEB
En Europe, le rapport OEB est livré au bout de six mois d’expertise. En outre, le brevet OEB coûte environ 20.000 euros. S’agissant des entreprises installées au Maroc, elles ont la possibilité de passer par l’Ompic et de bénéficier d’un prix optionnel et moins élevé. Mais, de manière générale sur ce coût, il ne faut pas considérer l’obtention d’un brevet comme un investissement. Si l’entreprise décide de développer un produit et s’introduire dans le marché européen, cette somme-là (20.000 euros) est relativement faible par rapport à l’ensemble des coûts qu’elle doit engager. Donc, il faut penser surtout investissement et le retour sur investissement que l’on aura après.
Un brevet européen unitaire avant fin 2018
Le brevet unitaire unifié qui sera mis en place dans les prochains mois va représenter une grande simplification, selon le patron de l’OEB. Ainsi, son office sera le seul interlocuteur en Europe. Un brevet unitaire est automatiquement valable dans les pays de l’UE. «Grâce à ce brevet, il y aura une réduction très significative des coûts, allant jusqu’à -70%. Je pense qu’il s’agit là d’un brevet qui sera particulièrement utile et positif pour les PME et les centres de recherches», explique Battistelli.
L’entrée en vigueur de ce nouveau brevet est prévue fin 2018-début 2019. D’ici là, l’OEB aura balisé le terrain. Ses 4.400 experts sont prêts au niveau technique et légal. Ils attendent l’accord d’un certain nombre de pays en Europe pour «une cour unifiée des brevets».
Une montée en puissance des demandes de la Chine
La course vers le brevetage des propriétés industrielles est rude. En 2017, les entreprises chinoises sont arrivées premières avec plus de 1,5 million de demandes de brevets, soit la moitié des demandes formulées par l’ensemble des pays. Mais ceci n’inquiète pas les entreprises d’Occident. «Car, nous exportons en Europe plus de brevets vers la Chine que nous n’importons de brevets chinois», explique le président de l’OEB. Et de conclure: «Cette montée en puissance des demandes de la Chine montre que le marché européen est attractif et majeur dans le domaine de l’innovation».
Carte de visite
Créé dans les années 1970, l’Office européen des brevets (OEB) étudie plus de 600 secteurs industriels grâce à quelque 7.000 collaborateurs polyglottes. Cette entité est aujourd’hui la plus grande organisation en Europe après l’Union européenne.
En effet, son système européen des brevets couvre une quarantaine de pays en Europe (avec 32 langues dont le chinois, l’arabe et le coréen). Grâce à ses 4.400 experts en brevets, l’OEB est certifié Iso 9001 de bout en bout. L’office dispose de plus d’un milliard de documents de brevetage et s’appuie sur des moteurs de recherche très puissants. Il délivre en six mois un rapport complet sur toute nouvelle invention. Pour les entreprises marocaines, l’accord OEB-Ompic leur simplifie et facilite l’accès au marché européen (450 millions de consommateurs).
Source: www.leconomiste.com