Pour la quatrième année consécutive, l’Orchestre des lycées français du monde a permis à des enfants venus des quatre coins de la planète de jouer ensemble. Rencontre avec les organisateurs du projet.
Rossini, Sibelius, Gainsbourg… La Semaine de la langue française et de la francophonie a commencé en musique. Le 17 mars a eu lieu le concert de l’Orchestre des lycées français du monde dans le grand auditorium de Radio France, à Paris. Dans la fosse et dans les choeurs, des élèves venus de 27 pays différents et de 4 continents. Pour Adriana Tanus, professeure de musique au lycée français de Madrid et chef d’orchestre,
"ce concert est une manière de mettre en valeur la France et le rayonnement de ses réseaux. Et toutes les valeurs que l’on apprend à l’école française. C’est un moment de partage, mais à travers la musique.”
Une idée un peu folle
C’est elle qui a eu l’idée un peu folle de créer un ensemble musical pour rassembler de jeunes musiciens amateurs de pays différents. En 2014, à l’occasion du 25e anniversaire de l’Agence de l’enseignement français à l’étranger (AEFE), elle décide de se lancer et organise un spectacle au ministère des Affaires étrangères. Elle se souvient :
"Tout le monde a trouvé ça magnifique : le partage, l’unité, ces gamins qui apprennent à vivre sans frontières à travers la musique et le français. Il était clair qu’il fallait pérenniser le projet. Il ne fallait pas que ça soit un événement ponctuel, juste pour un anniversaire.”
L’année suivante, la musicienne s’associe avec différentes institutions qui approuvent son idée “à l’unanimité”. Cinq musiciens de l’orchestre philharmonique de Radio France, emballés, se joignent à elle pour encadrer les élèves. La violoniste Mireille Jardon est l’une d’entre eux. Elle voit le projet comme “un vrai défi”
"Dans les conservatoires, certains élèves mettent un an à travailler sur des programmes comme ça, en se voyant toutes les semaines. Là, ces jeunes se voient quatre jours à Madrid, une semaine en France, et c’est tout. C’est une prouesse !”
Le français, la langue de la musique
Âgés de 11 à 18 ans, les jeunes participants ont été sélectionnés sur vidéo par Adriana Tanus et les musiciens de la philharmonie. Ils ont “un certain niveau musical” mais ils restent des “amateurs”, selon Jean-Pierre Odasso, trompettiste à l’orchestre philharmonique de Radio France. Autre condition de recrutement : chaque élève doit être scolarisé dans un établissement français à l’étranger. Tous n’ont pas la nationalité française, mais ils parlent la langue de Molière couramment. Ils échangent d’ailleurs presque exclusivement en français. La chef d’orchestre s’en réjouit :
"On entend différentes langues dans les couloirs. Un petit peu d’allemand, un peu d’italien, un peu de grec. Mais pendant les répétitions, les élèves sont mélangés, donc ils parlent en français. C’est la langue qu’ils utilisent pour communiquer la musique.”
“Pour une fois, ce n’est pas l’anglais”, renchérit Mireille Jardon en souriant. Car le but du projet est aussi de mettre en avant la langue française. Les oeuvres interprétées par l’orchestre viennent des quatre coins du monde. Mais le répertoire des chorales est composé exclusivement de chants francophones.
Comme des professionnels
Pour rassembler les élèves, Adriana Tanus utilise les réseaux sociaux. Cela leur permet de communiquer entre eux, mais aussi d’accèder à “des outils pédagogiques” en ligne, comme des vidéos “où les musiciens montrent vraiment comment jouer un passage d’un morceau, ou montrent les doigtés”. Ils bénéficient également de partitions gratuites et annotées, mises à leur disposition par la philharmonie de Radio France.
L’Orchestre des lycées français du monde offre aussi l’occasion aux jeunes de découvrir les coulisses du monde du spectacle en France. Cécile Kauffmann-Nègre s’occupe de la programmation jeunesse de Radio France. Selon elle, les élèves sont mis dans “des conditions professionnelles”.
"Ils découvrent les métiers qui ont trait à l’orchestre. Ils sont régis par une équipe de production, côtoient une équipe d’accueil. Ils vivent pendant deux jours la même chose que les musiciens qui se produisent à la maison ronde. Ils sont gérés par les mêmes personnes. C’est quelque chose qui marque.”
Des liens très forts
Les jeunes musiciens se sont séparés samedi avec tristesse. Selon les organisateurs, “chaque année, il y a des pleurs”. Certains pourront recommencer l’expérience l’année prochaine mais d’autres “sont trop vieux pour continuer”, explique Jean-Pierre Odasso. Les adolescents vont néanmoins garder contact. “Il y a des amours à distance”, sourit Adriana Tanus. Les élèves n’oublient pas non plus les professionnels qui les ont aidés. Il y a quelques semaines, les musiciens de la philharmonie de Radio France, en tournée à Athènes, ont retrouvé des jeunes qui avaient participé à l’aventure l’année dernière. Ces derniers ont assisté à leur répétition générale et à leur concert.
Tous les organisateurs s’accordent à dire que chaque édition est un défi, surtout au niveau de l’organisation. Il faut aller chercher les jeunes à l’aéroport, leur trouver des familles d’accueil et une salle de concert. Mais Adriana Tanus compte bien continuer encore des années :
"Il faut rester dans le rêve. Mais un rêve où l’on passe à l’action.”
Auteur: Marie Daoudal
Source: www.courrierinternational.com