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Cinéma: Roger Moore (007) n'est plus

Roger Moore, est décédé mardi à l’âge de 89 ans, portrait du jeune beau qui incarnera la classe britannique.

Il est de bon ton de juger Roger Moore comme le pire interprète de James Bond – et avoir commis deux des plus mauvais, L’Homme au pistolet d’or et Moonraker, n’aide pas. Trop guindé, trop suave, trop léger, less is Moore. Et, au fil des films (sept Bond, douze ans de carrière), il accusait son âge et un lifting raté dans Dangereusement vôtre.


Le contraste avec Sean Connery n’en était que plus piquant : on pourrait s’amuser à reprendre le générique de la série Amicalement vôtre et à remplacer les images de Tony Curtis par l’Ecossais. Le prolo rugueux contre l’aristo poli.



Roger Moore est en fait un fils de simple policier, né dans la banlieue de Londres en 1927. Passé par l’Académie royale d’art dramatique, il employa son physique de jeune premier à poser en chandail comme mannequin pour des magazines de tricot. Moore se bâtit une solide carrière télé (Ivanhoé, Le Saint).



L’acteur avait avant tout compris le caractère fondamentalement ridicule de James Bond


Selon Albert Broccoli, Ian Fleming rêvait de lui en 007 et l’acteur fut un temps considéré après le départ de Sean Connery en 1967. Pour sa défense (confession : c’est le James Bond avec lequel on a grandi), son talent fut précisément de ne jamais émuler le machisme rugueux de Sean Connery. Et d’avoir, selon ses propres mots, bâti son jeu d’acteur sur le froncement de sourcil.


De jouer à Roger Moore jouant James Bond, préposé au désamorçage de la violence par l’humour et le sourire en coin : son premier “Bond… James Bond” est lâché dans Vivre et laisser mourir, alors qu’il est cerné par des gangsters, sur le ton d’un client réservant une table au restaurant. L’acteur avait avant tout compris le caractère fondamentalement ridicule de James Bond – l’agent secret le moins secret qui soit, buvant le même cocktail partout dans le monde, quoique Moore n’ait jamais explicitement commandé à l’écran un dry martini “au shaker, non à la cuillère”. “J’ai joué Bond d’une certaine façon parce que je trouvais qu’il était impossible de croire au personnage” (GQ, édition anglaise, novembre 2008).


Un capital sympathie est impérissable

Cette interprétation au petit doigt levé, distanciée, était taillée pour des années 1970 pas folichonnes (sur les plans économique, politique et vestimentaire), en particulier en Grande-Bretagne. Un antidote bienvenu à la morosité. “Je marque pour l’Angleterre”, dit-il à son patron M avant de retomber dans les bras de sa Bond girl dans L’espion qui m’aimait (1977). Lâcher cela l’air de rien l’année du punk et de la grève des pompiers anglais et pouvoir s’en sortir est, excusez‑nous, la marque d’un bon acteur.


Evidemment, toutes ses blagues ne seront pas bonnes (un paquet dans Octopussy), à mesure que Bond se thatcherise dans les années 1980. Mais son capital sympathie est impérissable. Même quand on le voit skier en studio avec une transparence derrière ou, à 58 ans, partager le lit de Grace Jones (qui exige d’être au‑dessus de lui). Et l’autodérision permanente en public de l’acteur sur ses talents limités est pour beaucoup.



Roger Moore, le James Bond le plus fidèle à Ian Fleming?


A bien regarder, on peut trouver dans la bondographie de Moore des passages un peu plus investis. Encore un peu raide dans Vivre et laisser mourir et L’Homme au pistolet d’or, il trouve son rythme dans L’espion qui m’aimait, esquissant ce que Cary Grant aurait pu donner dans le rôle (s’il avait été plus jeune, moins connu, moins cher).


Les scénaristes s’évertueront à lui écrire des scènes où Bond doit tuer de sang‑froid : Moore s’en acquitte systématiquement en faisant un peu la gueule, puisqu’il n’aimait pas ça. C’était contre l’éthique du futur ambassadeur de l’Unicef. C’était normal pour celui qui fut le James Bond de notre enfance, et pas si éloigné du James Bond des livres, plutôt réticent à user de son permis de tuer. Et si Roger Moore était finalement le Bond le plus fidèle à Ian Fleming ?


 
 
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